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Retour en classe

Semaine de rentrée scolaire… je plains les enseignants chargés des cours de sciences humaines, à travers lesquels il faut, surtout à destination des élèves les plus fragiles culturellement et socialement, défendre les valeurs et les principes démocratiques. Vanter la fonction des élections et la compétence des élus, leur sens des responsabilités et le respect qu’ils méritent.

Dans la plupart des écoles du Sud et du Nord du pays, on ne peut pas dire que la «res publica» soit à l’honneur, et moins encore la «chose politique». Cela tient peut-être au fait, au-delà du discours poujadiste arguant que les politiciens sont tous pourris, que, depuis des décennies, la culture, telle qu’elle est promue et enseignée, s’est radicalement coupée d’une de ses composantes essentielles : la politique. Aujourd’hui, la culture se réduit à l’artistique, donc à des biens de consommation dont la finalité n’est plus de devenir adulte et responsable, de mettre en question le réel et de chercher des moyens de le modifier, mais seulement de divertir, de distraire – jusqu’à une certaine «culture» télévisée dont l’objectif n’est plus que d’abrutir pour, comme le disait Patrick Le Lay, PDG de TF1, dégager un «temps de cerveau disponible pour Coca-Cola».

Cette dépolitisation de la culture va de pair avec une déculturation de la politique. Quelle image nos responsables politiques donnent-ils d’eux-mêmes et de la politique ? Celle d’universitaires égotiques qui vont à un colloque non pour profiter du savoir des autres mais pour gargariser leur microscopique point de vue devant une salle endormie ou silencieusement hostile. Celle de représentants de commerce dont l’unique priorité est de vendre leur petit produit, fabriqué pourtant dans la même usine que celui du concurrent.

Tout ceci conduit au triomphe du populisme le plus éhonté. On attend une déclaration de De Wever ; il apparaît dans un jeu télévisé. Sans rien connaître de la note de Vande Lanotte, Maingain la juge irrecevable.

L’école est moderne, les élèves postmodernes, constate Finkielkraut. Être moderne, c’est défendre un projet émancipateur et responsable, où art et politique sont intimement mêlés. Être postmoderne, c’est accepter le paradoxe que, d’un côté, des agences de notation – un des agents de cette dégénérescence de la culture en bien de consommation – poussent à la formation d’un gouvernement, et que de l’autre des artistes du Nord et du Sud appellent à un arrêt de ce gâchis politique. Être belge, ce serait être surréalistement postmoderne : on n’écoute ni les uns ni les autres. Ce n’est plus de la politique, encore moins de la culture, et certainement pas de l’art ; c’est de l’autisme.

Que devront dire les enseignants à leurs élèves dans les prochaines semaines ? Non, le CD&V n’a pas torpillé la note de Vande Lanotte uniquement parce que ce dernier est socialiste et que les démocrates chrétiens flamands pensent déjà aux prochaines élections ! Oui, c’est normal qu’après avoir été tenus à distance, les libéraux francophones, accouplés aux boute-feu nationalistes du FDF, reviennent dans la négociation ! Oui, trois fois oui, voter est un acte crucial qui donne un mandat capital à des hommes et des femmes conscients de leurs responsabilités, capables de mettre leurs petits intérêts personnels (ou de parti) en veilleuse au nom du bien public ! Oui, il faut croire le président du CD&V quand il explique sans sourire que son non est un oui, alors que le oui des autres est un non !

Après ça, comment s’étonner que l’émission de jeu où triomphe De Wever fasse 75% d’audience, et que la Dernière Heure, d’une certaine manière, publie l’édito le plus adapté à la situation : deux pages blanches ?

Il ne fait pas bon être conciliateur dans notre beau royaume. Mais les temps sont encore plus rudes pour nos enseignants, qui sont en première ligne pour défendre une démocratie et des institutions dont semblent se moquer ouvertement les premiers responsables. Peut-être le Roi devrait-il nommer des formateurs (des vrais, scolaires) et renvoyer toute cette petite classe de cancres sur les bancs de l’école.

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