Plusieurs scénarios ont déjà été développés sur l’idée : que serait devenu le monde si Hitler n’avait pas été ce qu’il a été. S’il avait été reçu à l’académie de peinture, s’il était mort dans les tranchées de 14-18, si… Avec des si, on met Berlin en bouteille. Mais il y a une autre conséquence à envisager, dans cette hypothèse (absurde) : si Hitler n’avait pas existé, et avec lui le nazisme et ses monstrueuses conséquences, le fascisme serait vraisemblablement devenu une réalité politique dominante en Europe, voire en Amérique (ainsi que l’imagine Philip Roth), installé dans nombre de pays par la voie de scrutins démocratiques. Mussolini et Hitler ont remporté les élections avant de s’approprier le pouvoir absolu. Les monstruosités commises par les nazis ont démontré au monde l’essence profondément ignoble et inhumaine du fascisme. Mais il y a aussi, dans cette idéologie opportuniste, qui mélange des éléments puisés un peu partout sur le spectre politique – de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par l’anarchisme -, des éléments fascinants, propres à séduire une population qui se laisse d’autant plus facilement influencer que, d’une part, le niveau d’éducation est bas, et, d’autre part, que la crédibilité des autres politiciens est remise en cause. C’est le fond de commerce des partis populistes qui n’ont jamais vraiment cessé d’exister et qui ont maintenu au chaud les braises du fascisme, en attendant que s’apaise le contre-feu suscité par le délire hitlérien. Ce qui se passe un peu partout en Europe aujourd’hui, en Italie surtout mais dans d’autres pays également, y compris le nôtre, n’est rien moins que le retour effectif d’un fascisme décomplexé, qui rage secrètement d’avoir dû attendre 60 ans pour reprendre le devant de la scène politique. Et c’est bien le constat le plus désespérant que les démocrates puissent établir : paradoxalement, c’est “grâce” à Hitler que nous avons eu ce “répit”. Pour le dire autrement, la démocratie n’a pas su tirer les leçons réelles de cette expérience et elle s’apprête, aujourd’hui comme dans les années vingt et trente, à laisser se développer sur son propre terreau une idéologie qui, à travers les instruments de la démocratie, vise encore et toujours à la détruire. À l’époque, la gangrène a progressé pays par pays. “Ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés.” Aujourd’hui, ces politiciens cyniques et sans scrupule utiliseront (et utilisent déjà) l’Union européenne pour grandir plus vite et plus loin. Le rêve hitlérien d’un Reich de mille ans risque de revenir à l’ordre du jour. Sans doute les nouveaux Guides ne commettront plus l’erreur d’une extermination massive ; ils se contenteront de massacrer une fois de plus les libertés.
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